La Guinée a franchi un cap important dans sa politique de gouvernance minière. À la suite du processus de réévaluation engagé depuis plusieurs mois, le gouvernement a annoncé par décrets lus les 14 et 17 mai 2025 à la RTG, la révocation des permis de recherche et d’exploitation de plus de 130 entreprises opérant dans la bauxite, l’or, le diamant, le fer ou encore le graphite.
Parmi les sociétés concernées figurent plusieurs poids lourds de l’industrie : la Société Minière de Boké (SMB), détentrice d’un permis portant sur la bauxite ; AngloGold Ashanti (SAG), qui opère dans l’or ; la Société Guinéenne des Mines de Fer ; la Société Guinéenne du Patrimoine Minier qui opère dans le granite ; Global Metal et GMS Stone dans le diamant etc.
Une base légale, des obligations ignorées
Cette décision trouve sa base légale sur plusieurs dispositions du code minier guinéen, notamment les articles 82 et 88. L’article 82 prévoit qu’un titre minier peut être révoqué à l’expiration de sa durée, en cas de renonciation par le titulaire ou de retrait par l’État. Ainsi, des concessions, permis d’exploitation industrielle et semi-industrielle font retour à l’Etat, conformément à l’article 71 du décret de 2014 régissant la gestion des titres miniers. De plus, les entreprises concernées restent redevables de leurs obligations fiscales et environnementales, y compris la remise en état des sites et la remise d’un rapport détaillée à l’administration minière. Ces dispositions visent à garantir que la fin du projet minier ne laisse pas de passif environnemental ou fiscal à la charge de l’Etat.
L’article 88, plus coercitif, encadre les retraits avant terme notamment lorsque les activités sont suspendues sans motif valable (au-delà de 6 mois pour la recherche et 12 mois pour l’exploitation), ou encore si l’entreprise ne valorise pas un gisement jugé rentable.
D’autres manquements fréquents sont évoqués notamment, le démarrage tardif des travaux, l’exploitation hors périmètre, le non-paiement des redevances, ou encore l’absence de remise en état des sites. Avant tout retrait, une mise en demeure doit être adressée avec un délai de 30 à 45 jours pour régulariser la situation.
Un retrait aux répercussions multiples sur l’économie
La Guinée possède des ressources naturelles stratégiques : 25 milliards de tonnes de bauxite, 10 à 12 milliards de tonnes de fer, 25 à 30 millions de carats de diamant et quelque 1 000 tonnes d’or, selon le ministère des Mines. En 2024, le pays a exporté plus de 140 millions de tonnes de bauxite, consolidant sa place de leader mondial.
Mais la révocation simultanée de plus de 130 titres pourrait avoir un impact direct sur cette dynamique. La SMB, par exemple, représentait 38 % des exportations bauxitiques du pays en 2024. Sa mise à l’arrêt, même temporaire, risquer de perturber les chaînes d’approvisionnement, en particulier vers la Chine, premier client de la Guinée. D’autres acteurs majeurs de l’or et du diamant sont également concernés, comme AngloGold Ashanti, premier producteur d’or du pays.
Cette vague de retraits pourrait donc entraîner une perte de revenus fiscaux, des suppressions d’emplois, et refroidir les intentions d’investissement. Cependant, si les procédures de révocation venaient à être contesté en cas d’absence de mise en demeure, l’affaire pourrait se jouer sur le terrain judiciaire.
Pour l’instant, aucune société n’a engagé une procédure judiciaire contre l’Etat.